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Tuesday, May 3, 2011

Post 9/11 NZ and French fiascos

I moved to San Francisco right after the September 11 attacks. Americans were still pretty much dumbfounded, but soon some resorted to self-righteousness. The “you’re either with us or against us” mentality emerged. Basically anyone expressing reserves on or dissenting from government policies was suspected of condoning terrorism. Somehow the distinction between a terrorist and an opponent got blurred. There was one way to think, other viewpoints could only be held by extremists. Debates raged over the US Patriot Act and its infringements on civil liberties. Progressive activists surmised that Washington was conveniently using 9/11 to stifle them.

Since then, it seems that the anti-terrorist fever has spread to other parts of the world. Two eerie episodes, taking place in New Zealand and France, are to me echoes of such paranoia, where mere protesters, not actual assassins, are criminalized.

On October 15, 2007, 17 people were arrested in “anti-terror” raids across New Zealand. This muscled operation, involving some 300 armed policemen, alarmed the nation. Those individuals were accused of possessing firearms, and running a paramilitary training camp, located in the remote Te Urewera forests.

However, some members of the public and commentators soon questioned the existence of an actual terrorist plot and doubted the people taken into custody represented a serious threat to national security.

The people targeted were mostly Ngāi Tūhoe radicals, a Māori tribe unflinching in its protest against land confiscation and in its longstanding sovereignty claims, added to the mix were a few white anarchists also known as peace activists, as well as environmentalists and animal rights organizers. Some noted that it is a Māori custom to train young men in the forest to the art of hunting and handling the taiaha. Could this have been mistaken for a guerilla-type training?

Police credibility was dealt another blow when on November 8, 2007 the Solicitor-General concluded there wasn’t enough evidence to authorize prosecution under the 2002 Terrorism Suppression Act underlying the 18-months-long investigation.

Despite having been freed on bail the following day, the defendants are still awaiting trial which is meant to open at the end of this month.

A recently released documentary retraces this saga and gives voice to the Urewera 18 (further arrests were made in February 2008, adding to the number of suspects). Operation 8—Deep in the Forest revisits the October 15 events, the locking down of an entire Māori village, the brutalizing of families and children… And leaves us wondering if such a show of force was warranted.

A similar crackdown occurred in France on November 11, 2008: 9 young leftists, living in a commune, were arrested in the village of Tarnac, charged with sabotaging some railway power cables a few days earlier resulting in massive delays on the lines, but no derailment.

The confusion between vandalism, anti-capitalism and terrorism seemed to aim at resurrecting the 1970s scare of left wing terrorist groups and suggested that a new “ultra-leftist-anarchist” movement was eager to spread violence. Again, many procedure irregularities have been highlighted in the press. As far as I know, the lawsuit is still pending.

Disturbingly the “us versus them” mentality is not a US prerogative anymore.

Je n’ai pas vécu en France depuis plusieurs années mais je continue à en suivre de près l’actualité. Et l’affaire Tarnac de 2008—la descente de police (150 hommes ninja !) dans une petite bourgade de Corrèze pour interpeler neuf jeunes gens vivant en communauté sur une ferme, accusés de fomenter des actions terroristes d’inspiration « ultra-gauche-anarcho-autonome » et d’avoir saboté une ligne TGV—m’avait frappée de stupeur.

Comment dire… On se serait cru au Far West, dans l’univers manichéen des cowboys et des Indiens. Cette intervention musclée, ça faisait déplacé pour l’Hexagone, exotique donc, mais désagréablement familier pour moi qui ai vécu de l’intérieur l’Amérique de Bush et Cheney. Cette façon d’agiter l’épouvantail terroriste pour rallier la masse sous son joug, de confondre terrorisme avec la contestation ou le vandalisme, cette intransigeance bien-pensante qui voue aux gémonies toute mouvance progressiste ou alternative : Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’Intérieur, semblait pomper sa posture à l’oncle Sam.

Au fil des mois après le grand coup de filet, les médias ont mis au jour le manque de preuves et des incohérences dans l’enquête… Nous ne connaissons pas encore le fin mot de l’histoire mais la crédibilité de la filière antiterroriste en a pris un coup.

Quel ne fut pas mon étonnement quand, en débarquant en Nouvelle-Zélande, j’ai appris qu’il s’y était déroulée une affaire similaire, un an plus tôt !

Le 15 octobre 2007, pas moins de 300 policiers furent déployés pour arrêter 17 personnes aux quatre coins de la Nouvelle-Zélande. La plupart, néanmoins, habitaient une commune rurale du nord-est de l’île du Nord, à Ruatoki, en pays Ngāi Tūhoe. Il faut savoir que cette tribu māori, c’est un peu « les irréductibles Gaulois qui résistent encore et toujours à l’envahisseur ». Disons qu’ils revendiquent fièrement n’avoir jamais ratifié le Traité de Waitangi de 1840 et donc de n’avoir jamais cédé leur souveraineté à la Couronne d’Angleterre. D’où des relations plutôt tendues avec l’Etat moderne néo-zélandais, surtout depuis que les terres arables de la tribu leur ont été confisquées… Ceci dit, la résistance armée s’est tue au XIXe siècle. Les revendications se font aujourd’hui dans le cadre démocratique.

Donc, dans le panier du 15 octobre, on trouve des « séparatistes » māori, mais aussi des anarchistes connus pour leurs convictions pacifistes, des écolos et des militants des droits des animaux. Le tout accusé de détention d’armes et de diriger un camp d’entraînement paramilitaire quelque part dans la forêt d’Urewera, pas loin de Ruatoki.

Seulement, 3 semaines après l’opération, le procureur général (Solicitor-General) annonce que la loi anti-terroriste de 2002 ne peut être invoquée à l’encontre des prévenus faute de preuves suffisantes. Première déconvenue pour la police. Et d’autres s’ensuivent malgré de nouvelles arrestations en février 2008 qui fait passer le nombre de mis en examen à 18. On les nomme les « Urewera 18 ». Tous sont relâchés et placés sous contrôle judiciaire. Leur procès devrait s‘ouvrir à la fin du mois de mai, à Auckland.

En attendant, un documentaire consacré à l’affaire vient de sortir en salles. Operation 8—Deep in the Forest donne la parole aux inculpés et revient notamment sur le déroulement du 15 octobre 2007, la débauche de moyens mis en œuvre par la police pour faire son show, et la brutalité avec laquelle les villageois, tous māori, furent traités. Des enfants furent traumatisés, séparés de leurs parents et enfermés pendant des heures dans une remise sans eau ni nourriture. Bref, de quoi remuer le spectre de maltraitance raciste, sujet sensible et latent dans cette ancienne colonie qui s’applique à réparer les erreurs du passé

Là encore, beaucoup jugent l’affaire comme une grosse bévue de l’Etat, qui confondrait stage d’entraînement à la chasse et aux armes traditionnelles māori avec un camp de guerilleros.

C’est troublant quand même cette fâcheuse manie à s’échafauder des ennemis intérieurs…

Monday, April 18, 2011

L’âme des guerriers


Petit archipel relégué en marge du monde, poids plume dans les affaires politiques et économiques à l’échelle internationale, la Nouvelle-Zélande souffre d’un complexe d’infériorité par rapport aux grandes puissances occidentales, et surtout par rapport à son voisin australien. Les journaux passent leur temps à lorgner sur le sort « plus enviable » de l’Australie—sa bonne résistance face à la crise de 2008, les salaires mirobolants qu’elle offre à sa masse salariale, etc. Cette faille narcissique, la Nouvelle-Zélande la panse en soignant son image de marque dans le petit nombre de domaines où ses ressortissants assurent. Le rugby en est un. Le 7e art, un autre.

Sachez que le cinéma kiwi, fort heureusement, ne se résume pas aux productions du prolifique Peter Jackson et de son studio Weta, sa trilogie et ses avatars… Le cinéma maori brille aussi de temps à autre au box office international.

Ainsi, en 1995, le public d’Europe et d’Amérique du Nord découvrait, un peu abasourdi, que la Nouvelle-Zélande charriait son lot de misère sociale, et que ses laissés-pour-compte étaient, comme par hasard, bien souvent issus de la communauté māori. Once Were Warriors raconte le quotidien glauque de la famille Heke—un père au chômage, une mère courage mais sous la coupe de son mari alcoolique et brutal, cinq enfants délaissés, happés par la rue et la délinquance. L’aîné, aliéné par son père, se laisse entraîner dans un gang dont les tatouages évoquent une ascendance tribale mais dénaturée. Le cadet échoue en maison de correction. Seule Grace parvient un temps à se tenir à l’écart des ennuis. Le nez dans les livres, elle invente des histoires inspirées de la mythologie māori. Mais l’innocente ne tardera pas à pâtir elle aussi de son entourage désaxé.

Je n’avais pas vu ce film à l’époque de sa sortie en salle. Je me rattrape donc aujourd’hui, curieuse d’autant plus de confronter cette fiction avec mon expérience sur le terrain.

Once Were Warriors est un film coup de poing, effroyable de violence. Le réalisateur s’attarde (un peu complaisamment) sur les scènes de passage à tabac pour bien souligner le message : les coups sont le seul moyen d’expression à la portée de ces êtres un peu frustes, à la dérive. La violence donc et la musique car les rares moments d’harmonie en famille ou entre amis s’imposent quand tous se mettent à chanter. On est en pleine vague de réalisme social. Bon. C’est bien joué et convaincant.

Ce qui est étonnant, c’est que, mis à part quelques éléments exotiques (tatouages, chants māori), l’histoire pourrait se dérouler dans n’importe quel ghetto urbain de n’importe quelle mégalopole : New York, Paris, Berlin, Rio… L’impasse dans laquelle se retrouvent acculés les Heke serait donc plus liée au fonctionnement et à un engrenage de notre société postmoderne qu’à leurs origines ethniques.

D’ailleurs, ce sont ses racines tribales māori qui permettront à Beth de reprendre pied dans la réalité et de se tirer d’affaire.

Du coup, j’ai été un peu déçue que le récit se borne à dénoncer cette déchéance sociale sans jamais s’aventurer à en explorer les causes. Sans contexte, le film risque de conforter certains préjugés et stéréotypes du genre « ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes » ou « ce sont des fainéants ». On n’y fait pas référence à la colonisation, au racisme, aux discriminations, à l’exploitation…

Autant dire que je me suis peu frottée à cette réalité sordide. Le film se déroule dans une banlieue non identifiée d’Auckland, mais l’auteur du roman dont il est adapté a grandi à Rotorua, une autre ville du Nord. Ici, dans la capitale, les communautés māori se sont installées en dehors de Wellington, à Lower Hutt et Porirua. Et si ces municipalités sont peut-être moins aisées, on est loin du taudis et de la cité décrits dans le film.

Est-ce à dire que les conditions de vie de la minorité indigène ont radicalement changé ? Je crois que suivant les indicateurs traditionnellement utilisés, les Māori rattrapent petit à petit leur retard dans l’éducation, l’emploi, la santé… Malgré tout, ils restent plus touchés par les fléaux modernes (pauvreté, chômage, obésité, délinquance). Quant aux gangs, ils semblent plus ou moins passés de mode, ou se sont rangés disons. Ils ne font plus la une des faits divers.

I’m slowly catching up on “movies made in NZ”. I’ve been meaning to watch Once Were Warriors for ages: I actually remember when it was released in France, back in 1995. It made quite an impression. Māori culture was suddenly under the spotlight. So I was disappointed to find out that the story focuses on an urban contemporary Māori family rather than a traditional whanau.

Yet I was curious to see if I could confront any element of the movie to my own experience, now that I’m here.

And the answer is no. Living in Wellington, I do not often visit Porirua or Lower Hutt which seem to be the epicenters of the local Māori communities. And from the news I gather, living conditions there are way less bleak than the ones depicted in the movie, which setting is inspired by a Rotorua neighborhood. Although Māori people still seem to be disadvantaged nowadays, suffering from social ills (poverty, unemployment, obesity) in greater numbers than other Kiwis, the gap is shrinking.

What struck me was that, except for a few “authentic” touches (such as moko and songs), there was not much that distinguished the Heke family’s fate from that of another family dwelling in an urban ghetto in Paris, Berlin, New York or Rio. Their Māori roots, the fact that they are able to reconnect with their tribal community, is actually what saves them in the end.

And so it could be argued that the movie is more about exploring life in the margins of our postmodern societies than revealing contemporary Māori culture.

Monday, February 28, 2011

Maori warriors’ dance battle




Le dimanche 20 février s’est clôt la biennale de kapa haka à Gisborne sur la côte Est de l’île du Nord en Nouvelle-Zélande. Avec quelque 25 000 spectateurs, 1 700 participants, l’ampleur de l’événement confirme la vigueur de la culture autochtone, renaissante depuis les années 70.

En livrant une haka avant chacun de leurs matches, les All Blacks, l’équipe nationale de rugby, ont popularisé le genre dans le monde. La discipline, qui mêle chants et danses, est l’étendard de la fierté et de l’identité maories.

Depuis quarante ans, lors du festival Te Matatini (« visages » en maori), des troupes venues de tous les coins du pays s’affrontent pour conquérir le titre de champion de kapa haka. Elles étaient 42 cette année, représentant 13 régions et au moins autant de tribus.

La jeune génération se montre friande de ce spectacle : les moins de 25 ans composaient la majorité du public de Gisborne. « On grandit avec. J’adore ça, témoigne une jeune fille de 18 ans qui se rend pour la première fois à Te Matatini. La kapa haka permet au Maori de retrouver le sauvage en lui ! »

You may be familiar with the haka, the iconic war dance performed by the kiwi All Blacks rugby team before each game. This spectacular ritual involving stomping feet, rolling eyes, wriggling tongues, cavernous grunts, and slapping hands, is a Maori tribe greeting tradition.

Mid-February, a crowd of 25,000 converged to the North Island’s East Coast city of Gisborne for a festival of Maori performing arts, known as kapa haka (“dancing in rows”). Te Matatini biennial (“many faces”) boasts to be the largest Maori culture event. New Zealand’s indigenous culture is thriving, appealing to people young and old alike.

The haka’s sensational display of male fierceness is just one ingredient of a kapa haka show which combines poetry, lament, action song, and “poi” swinging (a “poi” being a soft ball attached to a string), performed by not only men, but also women. A hint of thrill is added to the mix during Te Matatini as the 42 selected teams compete over four days for the national champion title.

Friday, February 11, 2011

Kapa Haka




Pas besoin d’être fada de rugby pour avoir entendu parler de la suprématie de l’équipe des All Blacks et d’avoir eu vent de la haka, la danse guerrière que les hommes en noir exécutent avant chaque match, histoire de défier et d’impressionner l’adversaire.

Je n’ai jamais apprécié les défilés militaires mais j’avoue que la haka me donne la chair de poule. Il y a une énergie brute qui se dégage de ces hommes massifs en rang, solidement campés sur leurs jambes fléchies, les pieds frappant le sol, les mains martelant le torse et les biceps, les yeux révulsés, la langue tirée, qui vocifèrent plus qu’ils ne déclament. C’est poignant.

J’ai récemment appris que la haka n’est en fait qu’un fragment d’un spectacle plus vaste, la kapa haka. Dans cette coutume māori, hommes et femmes unissent leurs voix et chantent les hauts faits de leur iwi ou les tragédies passées, appuyant les paroles par leurs gestes et leurs traits. La haka est le numéro où les hommes se saisissent du devant de la scène le reste du temps occupé par les femmes de la troupe. La discipline réservée aux femmes est le maniement du poi, une balle souple de la taille d’un poing balancée à l’extrémité d’un cordon et qu’elles font tournoyer en rythme.

Cette semaine se déroule la biennale de kapa haka, une compétition nationale, événement capital de la discipline. Je vais m’y rendre, et en guise d’aperçu, voici deux photos de jeunes danseurs…

No need to be a rugby buff to have heard about the All Blacks’ supremacy and their ritual of the haka, the war dance they perform before each match. It’s both a challenge and a way to bedazzle their adversary.

Even though I’m not one to be moved by military marches, to put it mildly, I have to admit that haka raptures me. Solidly anchored to the ground by their arched legs, these massive men exude a wave of raw energy: they stomp the ground bare feet, pound their chests and arms with clenched fist, widen their eyes and pull their tong out in a terrorizing mask. It’s a poignant scene.

I recently found out that haka is only one fragment of a bigger ensemble, kapa haka, where men and women sing and act on stage, retelling their iwi’s glorious or tragic past and passing it on. Haka is the part where male dancers take the front of the stage where women stand for the rest of the show. Women’s special discipline is the handling of the poi, a soft ball the size of a fist, hanging from a string, that is whirled in rhythm.

Next week is the kapa haka biennale, a national competition that I’m attending. As a sort of preview, here are a couple of shots of young kappa haka dancers…