L’exposition E Tū Ake—Standing Strong qui vient de se clore au musée Te Papa de Wellington va voyager en France à l’automne. Elle sera inaugurée au Quai Branly sous le titre « Maori—leurs trésors ont une âme ».
Je ne sais pas si j’aurai l’occasion de voir la version française de cette exposition mais je brûle de pouvoir comparer leurs mises en scène et leurs discours.
D’emblée, rien qu’en disposant des titres choisis, j’en déduis que l’accent n’est pas porté au même endroit. Le titre néo-zélandais a une résonnance politique. Il s’apparente à un slogan et évoque la résistance des Māori face à la menace d’acculturation et d’anéantissement de leur identité dans leur propre pays. Le titre français, lui, ne retient pas cet aspect revendicatif. Il est consensuel et résolument classique. Il semble annoncer une banale rétrospective : ce sont les œuvres du passé qui sont mises à l’honneur. Rien dans la formulation ne laisse soupçonner que le propos est un dialogue entre les témoignages du passé et les pratiques contemporaines, si ce n’est l’usage du présent de l’indicatif.
C’est dommage car ce qui fait le sel d’E Tū Ake, c’est justement cet ancrage dans l’actualité, et notamment l’actualité politique.
Le parcours s’ouvrait sur un exposé théorique du concept de tino rangatiratanga. Ce terme māori exprime la capacité à choisir sa destinée et se traduit, au choix, par souveraineté, autorité ou autodétermination. Il renvoie à l’affirmation et la fierté de l’identité māori qui se cultive, dans le domaine des arts, en conservant, ravivant ou réinterprétant des techniques du passé. Au fil de l’exposition, l’on découvre ainsi des ouvrages de vannerie et de tissage récents qui intègrent des matériaux modernes tout en rendant hommage aux œuvres ancestrales. Une salle est consacrée à la renaissance du Ta moko, l’art du tatouage, et à la redécouverte des instruments de musique traditionnels.
Mais là où le propos de l’expo est particulièrement habile, c’est qu’il ne se cantonne pas au champ artistique. Il est élargi au domaine politique et englobe les luttes menées par les Māori depuis les années 70 pour faire respecter leurs droits (la Marche de 1975 sur Wellington pour mettre fin aux expropriations des terres, l’occupation de Bastion Point en 1977-78, la conception d’un drapeau māori en 1990 et la polémique actuelle sur le littoral). Sur le plan territorial, tino rangatiratanga se traduit par l’aspiration des Māori à recouvrer leurs terres et les ressources naturelles qui en découlent afin de les gérer comme ils l’entendent, un droit qui est inscrit dans le Traité de Waitangi, acte fondateur de la Nouvelle-Zélande. Inutile de préciser que cet aspect-là, à la différence de la renaissance inoffensive des arts et des artisanats, est sujet à controverse dans l’opinion publique. C’est donc un choix audacieux de la part d’une institution publique que de se mouiller ainsi. J’admire cet aplomb du Te Papa et j’espère que l’adaptation du Quai Branly ne sera pas édulcorée.
The “E Tū Ake—Standing Strong” exhibition that just shut down at the Te Papa Museum in Wellington is due to move to Paris in the fall. It will be shown at the Quai Branly Museum, which harbors collections of African, Asian, American and Oceanian Art.
I don’t know if I’ll get the chance to visit it, but I wish I do because the comparison between the NZ and the French versions will surely be telling. By merely looking at the titles chosen—“E Tū Ake—Standing Strong” becomes “The Māori—their Treasures Have a Soul” in French—it’s apparent to me that the emphasis will be laid differently in the French exhibition from what I’ve seen here. Whereas the Wellington show clearly linked arts, identity, and politics, such a stance is not discernable in the French title which sounds rather consensual.
It’s too bad because, to me, what made “E Tū Ake” trenchant and thought-provoking was precisely the way it showed how culture merged into politics and one went hand-in-hand with the other. “The Taonga in this exhibition express not only histories, identities, and world view of Māori, but also the political aspiration of this strong and resilient culture.” Therefore, to illustrate the Māori renaissance, the exhibition not only included contemporary works of weaving, ta moko, or engraving in conversation with ancestral pieces, but also detailed the struggles from the past forty years to reclaim Māori rights (the 1975 Land March, the 1977-78 Occupation of Bastion Point, the design of the Māori flag in 1990, and the current controversy on the Foreshore and Seabed Act).
I do hope the French version of the exhibition does not water down this discourse.
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