Friday, June 3, 2011

100 / Le rugby n’est pas qu’un sport

[Note : ce billet est tellement long que je l’ai coupé en deux. VF ci-dessous, VO ci-dessus]

Le compte à rebours de la Coupe du monde de rugby a démarré le 1er juin : jour J -100. Et de quoi parle-t-on dans les journaux et sur les ondes ? Des retombées économiques du PLUS GRAND EVENEMENT JAMAIS TENU EN NOUVELLE-ZELANDE. Tous ces billets vont-ils enfin se vendre ? Et qui vient au fait ? Et comment profiter au mieux de la poule aux œufs d’or ? Les profits couvriront-ils le coût de l’opération ? Voilà le nerf de la guerre qui pointe son nez.

En bref, la Coupe du monde, c’est 45 jours de compétition (si, si, vous avez bien lu : 45 jours…), du 9 septembre au 23 octobre. 19 équipes s’affronteront au cours de 48 matches. Le pays attend 85 000 visiteurs (dont 2 000 journalistes). Le tout fonctionnera grâce au coup de main de 5 000 bénévoles (c’est à noter quand même que pendant que certains se remplissent les fouilles, les autres donnent de leur temps. Sans ces derniers, rien ne serait possible).

Le but est bien évidemment que le monde entier rive son regard sur la Nouvelle-Zélande, toujours et encore en mal d’attention et de reconnaissance de la part de la communauté internationale. C’est toujours ce manque d’assurance que l’on peut déceler entre les lignes, ce besoin de briller et de prouver aux grandes puissances qu’un petit pays en marge de la mappemonde et doté de seulement 4 millions d’habitants peut faire aussi bien que les « grands ».

Le nombre 100 dans le titre de ce billet évoque non seulement les cent jours du décompte mais aussi un événement plus ancien, dépassé presque : le centenaire de l’équipe de rugby māori de NZ. Je suspecte que peu de gens en dehors de la NZ connaissent l’existence de cette équipe nationale, sélectionnée sur la base des prouesses athlétiques mais aussi de l’origine ethnique. Ma curiosité piquée m’a amenée à m’entretenir avec Malcolm Mulholland, un chercheur de l’Université de Massey, auteur de Beneath the Māori Moon—An Illustrated History of Māori Rugby. Une fois n’est pas coutume, voici une traduction maison, la plus fidèle possible, de notre conversation…

Cécile Lepage : quelle fut la genèse de ce livre ?

Malcolm Mulholland : En 2001, j’ai commencé à rédiger une chronique sur les affaires māori pour le journal Hawke’s Bay Today qui a retenu l’attention des éditions Huia. Ils m’ont contacté pour me proposer d’écrire l’histoire du rugby māori. Comme la plupart des Néo-Zélandais, j’ai grandi dans une famille mordue de rugby. J’ai commencé à jouer à l’âge de 7 ans. J’étais mauvais mais c’est un passage obligé pour les jeunes garçons ici. Ça fait partie de notre éducation. Alors, j’ai dit oui.

CL : Aviez-vous des notions sur le sujet avant de commencer ce livre ?

MM : La seule certitude que j’avais, c’était combien les Māori sont fiers du rugby māori. Particulièrement ces 15 dernières années, quand l’équipe était entraînée par Matt Te Pou. L’équipe māori a brillé pendant cette période. Matt Te Pou a réveillé l’intérêt pour cette équipe dans l’imaginaire du public. Jusque-là, seuls deux livres avaient été publiés sur le sujet. L’un s’appelait Māori Rugby. Il s’agissait juste d’une compilation des résultats de l’équipe. L’auteur avait fait la liste des matches année après année, avec le nom des joueurs, les points, et voilà. Suite à la tournée au Pays de Galles de 1982, Bob Howitt et Winston McCarthy ont sorti un livre qui s’appelait Haka—The Māori Rugby Story. Ce n’était pas un mauvais livre mais le récit était anecdotique, et c’était écrit d’un point de vue pakeha. Donc il y avait des passages que je trouvais condescendants à la lumière d’aujourd’hui. Par exemple, ils parlaient beaucoup de ce qu’ils ont baptisé « le pas chassé māori », qui consiste à foncer dans les gens. Il y a là une connotation, une généralisation, qui sous-entend que tous les joueurs māori essaient de rentrer dans leur adversaire. J’étais donc motivé pour écrire une histoire détaillée du rugby māori depuis un point de vue māori.

CL : Parlez-nous de ce que vous avez découvert.

MM : Ce qui m’a le plus marqué ce sont les événements relatifs à l’Apartheid. Tout le monde savait que c’était arrivé mais personne n’avait pris le temps de se pencher sur le rôle de la fédération néo-zélandaise de rugby, celui de l’Afrique du Sud et de sa fédération, et enfin celui de notre propre gouvernement. La première fois que la question de l’Apartheid surgit, c’est après la Première guerre mondiale. Dans l’équipe de l’armée néo-zélandaise, il y avait un All Black d’origine indienne, Rangi Wilson. Son bateau faisait escale à Durban et on lui a fait comprendre qu’il devait rester à bord à cause de la couleur de sa peau. Ça a commencé comme ça. En 1921, l’équipe sud-africaine est venue jouer en NZ. Ils ont joué contre l’équipe māori à Napier. Avant le match, quand les Springboks ont pénétré le stade, les Māori ont chanté et dansé la haka et les Springboks leur ont tourné le dos. Les Māori ont perdu et il y a eu de la contestation sur le terrain. Dans un compte-rendu, un journaliste a écrit que c’était répugnant de regarder le public néo-zélandais encourager l’équipe māori. Ce commentaire raciste donne le ton des 60 années suivantes. En 1928, quand les All Blacks sont partis en tournée en Afrique du Sud, il a été précisé que les joueurs māori n’étaient pas les bienvenus. En compensation, l’équipe māori a été envoyée en France. C’était une façon de les apaiser et de les acheter !

CL : Donc voilà l’une des raisons de l’existence de l’équipe māori.

MM : Oui, cela fait partie des raisons. Mais à l’origine l’équipe a été constituée pour motiver la fierté māori et pour multiplier les opportunités pour tous ces joueurs māori qui affluaient. Et la raison principale [de la fédération] était de les dissuader de changer de code et d’aller jouer au rugby à 13.

CL : Donc les joueurs māori sont interdits de séjour en Afrique du Sud. La fédération néo-zélandaise de rugby se plie à cette exigence. Et personne ne conteste cette décision.

MM : Un tournant est franchi en 1959. Les gens se mobilisent, manifestent. C’est un chirurgien irlandais de Wellington qui mène le mouvement, Rolland O’Regan, qui est marié à une femme māori. Sa délégation, la Citizens All Black Tour Association, rencontre le Premier ministre et lui demande d’intervenir et de mettre fin à la discrimination contre les Māori. En vain.

CL : La tension monte jusqu’en 1981, quand les Springboks viennent en NZ. Vous citez un photographe qui dit que « c’est la première fois que le pays frôle la guerre civile ».

MM : Oui, 1981, c’est le paroxysme. Il y a des émeutes, heureusement sans mort. L’ironie dans tout ça est que le ministre de la Police et des Affaires māori de l’époque est Ben Couch, l’un des joueurs māori à avoir été privé de tournée en 1949. Et le voilà qui se range derrière l’opinion de Muldoon [Premier ministre] : « il ne faut pas mélanger le sport et la politique ». Les conséquences du Tour de 1981 ont été si lourdes que toute équipe venant d’un rgime de l’Apartheid était désormais bannie de NZ.

CL : Vous avez joué un rôle dans la résolution de ce conflit.

MM : Une phrase de Patricia Mill, la fille du joueur Jimmy Mill qui fut exclu du tour en 1928, me trottait dans la tête. « Jusqu’au jour de sa mort, mon père a été meurtri par le fait que son pays lui a refusé le droit d’être lui-même. Il reprochait à la fédération d’avoir été complice de cette discrimination. » J’en ai parlé à un journaliste du New Zealand Herald tout en ajoutant que quelque chose devait être fait pour réparer ce triste épisode de l’histoire. J’ai suggéré d’accorder les sélections en équipe nationale rétroactivement, reconnaissant ainsi que ces joueurs auraient dû être sélectionnés. Cela a ouvert le débat. Le consensus était que des excuses devraient être présentées, ce que la fédération a fini par faire. Mais il reste un sentiment dans la communauté māori que ces excuses doivent être livrées en personne au cours d’un hui [une rencontre]. Je sais qu’Oregan Hoskins, le directeur de la fédération sud-africaine est prêt à rencontrer les Māori lors de son séjour pendant la Coupe du monde. Et les joueurs des Springboks de la sélection de 1981 parlent aussi d’organiser un voyage de commémoration. Donc on va essayer d’organiser quelque chose. Le seul protagoniste dans l’affaire qui ne s’est pas excusé, c’est notre gouvernement.

Wednesday, May 11, 2011

Shambhavi


J’ai commencé une série de portraits de bénévoles pour l’association Volunteer Wellington qui les utilise pour faire sa promo… En voici un :

http://volunteerwellington.wordpress.com/2011/05/12/getting-a-kiwi-experience/

I’ve started a series of profiles for Volunteer Wellington. The organization uses them as promotional material. Above is the link to the first one posted on its blog.

Tuesday, May 3, 2011

Post 9/11 NZ and French fiascos

I moved to San Francisco right after the September 11 attacks. Americans were still pretty much dumbfounded, but soon some resorted to self-righteousness. The “you’re either with us or against us” mentality emerged. Basically anyone expressing reserves on or dissenting from government policies was suspected of condoning terrorism. Somehow the distinction between a terrorist and an opponent got blurred. There was one way to think, other viewpoints could only be held by extremists. Debates raged over the US Patriot Act and its infringements on civil liberties. Progressive activists surmised that Washington was conveniently using 9/11 to stifle them.

Since then, it seems that the anti-terrorist fever has spread to other parts of the world. Two eerie episodes, taking place in New Zealand and France, are to me echoes of such paranoia, where mere protesters, not actual assassins, are criminalized.

On October 15, 2007, 17 people were arrested in “anti-terror” raids across New Zealand. This muscled operation, involving some 300 armed policemen, alarmed the nation. Those individuals were accused of possessing firearms, and running a paramilitary training camp, located in the remote Te Urewera forests.

However, some members of the public and commentators soon questioned the existence of an actual terrorist plot and doubted the people taken into custody represented a serious threat to national security.

The people targeted were mostly Ngāi Tūhoe radicals, a Māori tribe unflinching in its protest against land confiscation and in its longstanding sovereignty claims, added to the mix were a few white anarchists also known as peace activists, as well as environmentalists and animal rights organizers. Some noted that it is a Māori custom to train young men in the forest to the art of hunting and handling the taiaha. Could this have been mistaken for a guerilla-type training?

Police credibility was dealt another blow when on November 8, 2007 the Solicitor-General concluded there wasn’t enough evidence to authorize prosecution under the 2002 Terrorism Suppression Act underlying the 18-months-long investigation.

Despite having been freed on bail the following day, the defendants are still awaiting trial which is meant to open at the end of this month.

A recently released documentary retraces this saga and gives voice to the Urewera 18 (further arrests were made in February 2008, adding to the number of suspects). Operation 8—Deep in the Forest revisits the October 15 events, the locking down of an entire Māori village, the brutalizing of families and children… And leaves us wondering if such a show of force was warranted.

A similar crackdown occurred in France on November 11, 2008: 9 young leftists, living in a commune, were arrested in the village of Tarnac, charged with sabotaging some railway power cables a few days earlier resulting in massive delays on the lines, but no derailment.

The confusion between vandalism, anti-capitalism and terrorism seemed to aim at resurrecting the 1970s scare of left wing terrorist groups and suggested that a new “ultra-leftist-anarchist” movement was eager to spread violence. Again, many procedure irregularities have been highlighted in the press. As far as I know, the lawsuit is still pending.

Disturbingly the “us versus them” mentality is not a US prerogative anymore.

Je n’ai pas vécu en France depuis plusieurs années mais je continue à en suivre de près l’actualité. Et l’affaire Tarnac de 2008—la descente de police (150 hommes ninja !) dans une petite bourgade de Corrèze pour interpeler neuf jeunes gens vivant en communauté sur une ferme, accusés de fomenter des actions terroristes d’inspiration « ultra-gauche-anarcho-autonome » et d’avoir saboté une ligne TGV—m’avait frappée de stupeur.

Comment dire… On se serait cru au Far West, dans l’univers manichéen des cowboys et des Indiens. Cette intervention musclée, ça faisait déplacé pour l’Hexagone, exotique donc, mais désagréablement familier pour moi qui ai vécu de l’intérieur l’Amérique de Bush et Cheney. Cette façon d’agiter l’épouvantail terroriste pour rallier la masse sous son joug, de confondre terrorisme avec la contestation ou le vandalisme, cette intransigeance bien-pensante qui voue aux gémonies toute mouvance progressiste ou alternative : Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’Intérieur, semblait pomper sa posture à l’oncle Sam.

Au fil des mois après le grand coup de filet, les médias ont mis au jour le manque de preuves et des incohérences dans l’enquête… Nous ne connaissons pas encore le fin mot de l’histoire mais la crédibilité de la filière antiterroriste en a pris un coup.

Quel ne fut pas mon étonnement quand, en débarquant en Nouvelle-Zélande, j’ai appris qu’il s’y était déroulée une affaire similaire, un an plus tôt !

Le 15 octobre 2007, pas moins de 300 policiers furent déployés pour arrêter 17 personnes aux quatre coins de la Nouvelle-Zélande. La plupart, néanmoins, habitaient une commune rurale du nord-est de l’île du Nord, à Ruatoki, en pays Ngāi Tūhoe. Il faut savoir que cette tribu māori, c’est un peu « les irréductibles Gaulois qui résistent encore et toujours à l’envahisseur ». Disons qu’ils revendiquent fièrement n’avoir jamais ratifié le Traité de Waitangi de 1840 et donc de n’avoir jamais cédé leur souveraineté à la Couronne d’Angleterre. D’où des relations plutôt tendues avec l’Etat moderne néo-zélandais, surtout depuis que les terres arables de la tribu leur ont été confisquées… Ceci dit, la résistance armée s’est tue au XIXe siècle. Les revendications se font aujourd’hui dans le cadre démocratique.

Donc, dans le panier du 15 octobre, on trouve des « séparatistes » māori, mais aussi des anarchistes connus pour leurs convictions pacifistes, des écolos et des militants des droits des animaux. Le tout accusé de détention d’armes et de diriger un camp d’entraînement paramilitaire quelque part dans la forêt d’Urewera, pas loin de Ruatoki.

Seulement, 3 semaines après l’opération, le procureur général (Solicitor-General) annonce que la loi anti-terroriste de 2002 ne peut être invoquée à l’encontre des prévenus faute de preuves suffisantes. Première déconvenue pour la police. Et d’autres s’ensuivent malgré de nouvelles arrestations en février 2008 qui fait passer le nombre de mis en examen à 18. On les nomme les « Urewera 18 ». Tous sont relâchés et placés sous contrôle judiciaire. Leur procès devrait s‘ouvrir à la fin du mois de mai, à Auckland.

En attendant, un documentaire consacré à l’affaire vient de sortir en salles. Operation 8—Deep in the Forest donne la parole aux inculpés et revient notamment sur le déroulement du 15 octobre 2007, la débauche de moyens mis en œuvre par la police pour faire son show, et la brutalité avec laquelle les villageois, tous māori, furent traités. Des enfants furent traumatisés, séparés de leurs parents et enfermés pendant des heures dans une remise sans eau ni nourriture. Bref, de quoi remuer le spectre de maltraitance raciste, sujet sensible et latent dans cette ancienne colonie qui s’applique à réparer les erreurs du passé

Là encore, beaucoup jugent l’affaire comme une grosse bévue de l’Etat, qui confondrait stage d’entraînement à la chasse et aux armes traditionnelles māori avec un camp de guerilleros.

C’est troublant quand même cette fâcheuse manie à s’échafauder des ennemis intérieurs…

Monday, April 18, 2011

L’âme des guerriers


Petit archipel relégué en marge du monde, poids plume dans les affaires politiques et économiques à l’échelle internationale, la Nouvelle-Zélande souffre d’un complexe d’infériorité par rapport aux grandes puissances occidentales, et surtout par rapport à son voisin australien. Les journaux passent leur temps à lorgner sur le sort « plus enviable » de l’Australie—sa bonne résistance face à la crise de 2008, les salaires mirobolants qu’elle offre à sa masse salariale, etc. Cette faille narcissique, la Nouvelle-Zélande la panse en soignant son image de marque dans le petit nombre de domaines où ses ressortissants assurent. Le rugby en est un. Le 7e art, un autre.

Sachez que le cinéma kiwi, fort heureusement, ne se résume pas aux productions du prolifique Peter Jackson et de son studio Weta, sa trilogie et ses avatars… Le cinéma maori brille aussi de temps à autre au box office international.

Ainsi, en 1995, le public d’Europe et d’Amérique du Nord découvrait, un peu abasourdi, que la Nouvelle-Zélande charriait son lot de misère sociale, et que ses laissés-pour-compte étaient, comme par hasard, bien souvent issus de la communauté māori. Once Were Warriors raconte le quotidien glauque de la famille Heke—un père au chômage, une mère courage mais sous la coupe de son mari alcoolique et brutal, cinq enfants délaissés, happés par la rue et la délinquance. L’aîné, aliéné par son père, se laisse entraîner dans un gang dont les tatouages évoquent une ascendance tribale mais dénaturée. Le cadet échoue en maison de correction. Seule Grace parvient un temps à se tenir à l’écart des ennuis. Le nez dans les livres, elle invente des histoires inspirées de la mythologie māori. Mais l’innocente ne tardera pas à pâtir elle aussi de son entourage désaxé.

Je n’avais pas vu ce film à l’époque de sa sortie en salle. Je me rattrape donc aujourd’hui, curieuse d’autant plus de confronter cette fiction avec mon expérience sur le terrain.

Once Were Warriors est un film coup de poing, effroyable de violence. Le réalisateur s’attarde (un peu complaisamment) sur les scènes de passage à tabac pour bien souligner le message : les coups sont le seul moyen d’expression à la portée de ces êtres un peu frustes, à la dérive. La violence donc et la musique car les rares moments d’harmonie en famille ou entre amis s’imposent quand tous se mettent à chanter. On est en pleine vague de réalisme social. Bon. C’est bien joué et convaincant.

Ce qui est étonnant, c’est que, mis à part quelques éléments exotiques (tatouages, chants māori), l’histoire pourrait se dérouler dans n’importe quel ghetto urbain de n’importe quelle mégalopole : New York, Paris, Berlin, Rio… L’impasse dans laquelle se retrouvent acculés les Heke serait donc plus liée au fonctionnement et à un engrenage de notre société postmoderne qu’à leurs origines ethniques.

D’ailleurs, ce sont ses racines tribales māori qui permettront à Beth de reprendre pied dans la réalité et de se tirer d’affaire.

Du coup, j’ai été un peu déçue que le récit se borne à dénoncer cette déchéance sociale sans jamais s’aventurer à en explorer les causes. Sans contexte, le film risque de conforter certains préjugés et stéréotypes du genre « ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes » ou « ce sont des fainéants ». On n’y fait pas référence à la colonisation, au racisme, aux discriminations, à l’exploitation…

Autant dire que je me suis peu frottée à cette réalité sordide. Le film se déroule dans une banlieue non identifiée d’Auckland, mais l’auteur du roman dont il est adapté a grandi à Rotorua, une autre ville du Nord. Ici, dans la capitale, les communautés māori se sont installées en dehors de Wellington, à Lower Hutt et Porirua. Et si ces municipalités sont peut-être moins aisées, on est loin du taudis et de la cité décrits dans le film.

Est-ce à dire que les conditions de vie de la minorité indigène ont radicalement changé ? Je crois que suivant les indicateurs traditionnellement utilisés, les Māori rattrapent petit à petit leur retard dans l’éducation, l’emploi, la santé… Malgré tout, ils restent plus touchés par les fléaux modernes (pauvreté, chômage, obésité, délinquance). Quant aux gangs, ils semblent plus ou moins passés de mode, ou se sont rangés disons. Ils ne font plus la une des faits divers.

I’m slowly catching up on “movies made in NZ”. I’ve been meaning to watch Once Were Warriors for ages: I actually remember when it was released in France, back in 1995. It made quite an impression. Māori culture was suddenly under the spotlight. So I was disappointed to find out that the story focuses on an urban contemporary Māori family rather than a traditional whanau.

Yet I was curious to see if I could confront any element of the movie to my own experience, now that I’m here.

And the answer is no. Living in Wellington, I do not often visit Porirua or Lower Hutt which seem to be the epicenters of the local Māori communities. And from the news I gather, living conditions there are way less bleak than the ones depicted in the movie, which setting is inspired by a Rotorua neighborhood. Although Māori people still seem to be disadvantaged nowadays, suffering from social ills (poverty, unemployment, obesity) in greater numbers than other Kiwis, the gap is shrinking.

What struck me was that, except for a few “authentic” touches (such as moko and songs), there was not much that distinguished the Heke family’s fate from that of another family dwelling in an urban ghetto in Paris, Berlin, New York or Rio. Their Māori roots, the fact that they are able to reconnect with their tribal community, is actually what saves them in the end.

And so it could be argued that the movie is more about exploring life in the margins of our postmodern societies than revealing contemporary Māori culture.